Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/23

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gement de voiture pour Nîmes, Montpellier, Cette… »

Tout de suite Mistral courut au commissaire de surveillance, vieux serviteur qui n’a pas quitté sa gare depuis trente-cinq ans :

« Eh ! bé, maître Picard… Et les Tarasconnais ? Où sont-ils ? Qu’en avez-vous fait ? »

L’autre, tout surpris de notre étonnement :

« Comment !… Vous ne savez pas ? D’où sortez-vous donc ?… Vous ne lisez donc rien ?…Ils lui ont fait pourtant assez de réclame, à leur île de Port-Tarascon… Eh ! oui, mon bon…Partis, les Tarasconnais… Partis coloniser, l’illustre Tartarin en tête… Et tout emporté avec eux, déménagé jusqu’à la tarasque ! »

Il s’interrompit pour donner des ordres, s’activer le long de la voie, tandis qu’à nos pieds dans le couchant, nous regardions monter les tours, les clochers et clochetons de la ville abandonnée, ses vieux remparts dorés par le soleil d’un superbe ton de croustade et donnant l’idée exact d’un pâté de bécasses dont il ne resterait plus que la croûte.