Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/262

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rins, luisante, algueuse, coquillageuse, mais sans avarie, échappée aux typhons les plus épouvantables, intacte, indestructible ; et sa première, son unique blessure, était celle que Tartarin de Tarascon venait de lui faire…

Lui ! à elle !

La cicatrice toute fraîche apparaissait au milieu du front de la pauvre mère-grand !

Un officier anglais s’exclama :

« Regardez donc, lieutenant Shipp, quel drôle d’animal est-ce que cela ?

— C’est la Tarasque, jeune homme, dit Tartarin solennel. C’est l’aïeule, la grand’mère vénérable de tout bon Tarasconnais. »

L’officier resta stupéfait, et il y avait de quoi, en apprenant que ce monstre bizarre était la grand’mère de l’étrange peuplade noiraude et moustachue, recueillie sur une île sauvage à cinq mille lieues en mer.

Tartarin s’était découvert respectueusement en parlant ainsi, mais déjà la mère-grand était loin, emportée par les courants du Pacifique, où elle doit errer encore, insubmersible épave que les récits des voyageurs, sous le nom de poulpe géant, de serpent de mer, signalent tantôt ici, tantôt