Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tarascon-sur-Rhône deux ou trois mois avant l’émigration. Le Tarasconnais en général ne s’occupe pas de politique : indolent de nature, indifférent à tout ce qui ne l’atteint pas localement, il tient pour l’état de choses, comme il dit. Pas moins, depuis quelque temps, on lui reprochait un tas de choses, à l’état de choses !

« Nos gouvernants nous font de tout ! » disait Tartarin.

Dans ce « de tout » il y avait d’abord l’interdiction des courses de taureaux.

Vous connaissez sans doute l’histoire de ce Tarasconnais très mauvais chrétien et garnement de la pire espèce, lequel après sa mort s’étant introduit au Paradis par surprise, pendant que saint Pierre avait le dos tourné, n’en voulait plus sortir, malgré les supplications du divin porte-clefs. Alors, que fit le grand saint Pierre ? Il envoya toute une volée d’anges clamer devant le ciel autant qu’ils auraient de voix :

« Té ! té !… les bœufs !… Té ! té !… les bœufs !… » qui est le cri des courses tarasconnaises. Oyant cela, le bandit change de figure :

« Vous avez donc des courses, par ici, grand saint Pierre ?