Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/308

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démentant aujourd’hui ce qu’ils avaient affirmé la veille.

« Mais vous l’avez dit à l’instruction.

— Moi, j’ai dit ça ? ah ! vaï… Je n’en ai pas ouvert la bouche.

— Mais vous avez signé.

— Signé ?… Pas plus…

— Voici votre signature.

— C’est, pardi, vrai… Eh ! bien, monsieur le président, personne de plus surpris que moi. »

Et pour tous c’était ainsi, aucun ne se rappelait. Les juges restaient effarés, hagards, devant ces contradictions, ces apparences de mauvaise foi, ne sachant pas, ces froids hommes du Nord, faire la part de l’invention et de la fantaisie des pays de lumière.

Un des plus extraordinaires fut Costecalde. Racontant qu’il avait été chassé de l’île, forcé d’abandonner sa femme et ses enfants par les exactions de Tartarin le tyran. Il fallait entendre le drame de la chaloupe, les morts effrayantes et successives de ses malheureux compagnons ; Rugimabaud, qui nageait près de la barque pour se donner un peu de fraîcheur au corps, brusquement entraîné par un requin, coupé en deux.