Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/339

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Sur le Tour-de-Ville le supplice devint intolérable… Et, pour nous achever, j’eus l’idée — vanité de l’amour ! — de prendre par la traverse pour passer devant la maison du marquis des Espazettes.

Nous voilà engagés dans ces rues très étroites, tout juste la place pour les roues du char. L’hôtel du marquis était fermé, sombre et muet dans ses vieilles murailles de pierre noire, toutes les persiennes closes pour bien indiquer que la noblesse boudait les plaisirs de la rafataille.

Je dis quelques vers, tirés des Jujubes, de ma voix tremblante, en tendant mon filet de quête, mais rien ne bougea, personne ne parut. Alors je donnai l’ordre au conducteur d’avancer. Impossible, le char était pris, encanché des deux côtés. On avait beau tirer devant, tirer derrière, il se trouvait pressé entre les hautes murailles, et par les persiennes fermées nous entendions tout près de nous à notre hauteur, des rires étouffés pendant que nous restions ridiculement perchés, transis de froid, sur nos tourelles de carton.

Décidément il ne m’a pas porté bonheur, le château du roi René ! Il a fallu dételer les