Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lamentable, le rapport du Père hôtelier ! Ce qu’ils avaient dévoré depuis le commencement du siège, les Tarasconnais ! Pâtés d’hirondelles, tant de cents ; pains-poires, tant de mille ; et tant de ceci, et tant de cela ! De toutes les choses qu’il énumérait et dont on était au commencement si bien pourvu, il restait si peu, si peu, qu’autant dire il n’en restait rien.

Les Révérends se regardaient l’un l’autre, la mine longue, et convenaient entre eux qu’avec toutes ces réserves, étant donné l’attitude d’un ennemi qui ne voulait rien pousser à l’extrême, ils auraient pu tenir pendant des années sans manquer de rien, si l’on n’était venu à leur secours. Le Père hôtelier, d’une voix monotone et navrée, continuait de lire, quand une clameur l’interrompit.

La porte de la salle ouverte avec fracas, Tartarin paraît, un Tartarin ému, tragique, le sang aux joues, la barbe bouffante sur la croix blanche de son costume. Il salue de l’épée le Prieur tout droit sur sa miséricorde, puis les Pères l’un après l’autre, et, gravement :

« Monsieur le Prieur, je ne peux plus tenir