Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/58

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— Çà, c’est peut-être un peu vrai, mais pas tous. D’ailleurs nous les habillerons. »

Articles, conférences, tout eut un succès fou. Les bons s’enlevaient par cent et par mille, les émigrants affluaient, et pas seulement de Tarascon, de tout le Midi ! Il en venait même de Beaucaire. Mais, halte là ! Tarascon les trouvait bien hardis, ces gens de Beaucaire !

Depuis des siècles, entre les deux cités voisines, séparées seulement par le Rhône, gronde une haine sourde qui menace de ne plus finir.

Si vous en cherchez les motifs, on vous répondra des deux côtés par des mots qui n’expliquent rien :

« Nous les connaissons, les Tarasconnais…, » disent les gens de Beaucaire, d’un ton mystérieux.

Et ceux de Tarascon ripostent en clignant leur œil finaud :

« On sait ce qu’ils valent, messieurs les Beaucairois. »

De fait, d’une ville à l’autre les communications sont nulles, et le pont qu’on a jeté entre elles ne sert absolument à rien. Personne ne le franchit jamais. Par hostilité d’abord, ensuite parce que la violence du