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Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/143

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ROSE ET NINETTE

gens du monde aussi fréquemment qu’entre paysans, et qu’en définitive, dans ce pays où personne n’est censé ignorer la loi, bien peu en connaissent le premier mot. Pour en revenir à nos Hulin, la malheureuse, s’épouvantant à l’idée de n’avoir plus son fils, consentit à ce que cet homme lui demandait, ses droits de mari pour une nuit, et sacrifia la femme à la mère. C’est dur, mais avouez que les détails de cette nuit seraient intéressants pour des casuistes. Horreur de son mari, sans aucun doute. Seulement, ce n’était plus son mari… séparés de corps et de biens… elle-même vivait comme une veuve depuis quatre ou cinq ans… de plus, elle arrivait à l’âge où la femme de nos pays comprend l’amour et ne fait pas que le subir… »

Oh ! l’empoisonneuse ! avec quel art son venin se distillait ; et comme elle en suivait les effets incisifs sur ce visage creusé, pâli, qui à tout autre eût inspiré de la pitié !

« Aussi, voyez, sa nuit lui a semblé si belle, à ce mari en bonne fortune, que, retourné au Havre, il n’a pas eu le courage de s’embarquer, préférant mourir que survivre à cette joie sans lendemain, ainsi que le dit sa lettre à Malville. »

Fagan s’était dressé, grondant entre ses dents serrées ;

« C’est égal, pour un dépositaire de su-