Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
ROSE ET NINETTE

« Oui, l’intégrité du mariage, tout le bonheur serait là… Se dire en choisissant sa femme : Quand je mourrai, voici l’épaule où j’appuierai ma tête pour dormir, les lèvres qui fermeront mes yeux. Aussi je veux cette épaule très douce, très pure, ces lèvres fraîches et rien que pour moi… C’est ainsi que j’avais compris le mariage. »

Pauline soupira tristement. Ce fut sa seule réponse, conforme et approbative.

Ils venaient de descendre le large perron arrondi de la terrasse, erraient autour du grand bassin, tout frissonnant sous le ciel rose et l’angoisse du soir qui tombait. Ce frisson les gagnait, jusqu’à l’enfant qui ne courait plus, serré dans la robe noire de sa mère.

« Si nous rentrions, dit-elle au bout d’un instant… En voilà bien long pour une première journée dehors…

— Eh bien ! rentrons… » fit Régis sur le même ton découragé.

À la sortie, dans le bruissement de la foule qui s’écoulait, il cherchait une voiture, quand, à quelques pas plus loin, il aperçut Mme La Posterolle et ses filles, qui s’étaient sans doute attardées à la musique et remontaient dans leur landau. Les toilettes claquantes de ces dames, l’équipage un peu voyant, rassemblaient des curieux dont Rose et Ninette paraissaient très fières.