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Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/176

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LE TRÉSOR D’ARLATAN

elle se cache et elle a défendu à Zia de s’approcher de sa cabane… Là-dessus, monsieur Henri, je crois qu’il faut s’aller mettre à la paille. Voilà le vent du sud qui souffle en tempête ; dans une heure, vous entendrez bramer la vache de Faraman.

— Qu’est-ce que c’est que cette vache-là, Charlon ?

— C’est la mer, monsieur Henri. Lorsque le vent donne en face de nous, sur les sables de Faraman, elle pousse une bramée si forte que dans notre pays de manade nous l’avons ainsi surnommée. »

De toute la nuit, en effet, la vache de Faraman n’arrêta pas. Les roseaux criaient, la Cabane craquait de partout ; avec la mer lointaine et le vent qui la rapprochait, portait son bruit en l’enflant, Danjou, incapable de dormir, pouvait se croire dans une chambre de bateau. Madeleine, malheureusement, s’y trouvait avec lui. Jusqu’au matin, les yeux ouverts dans l’ombre, il revécut, heure par heure, l’ignoble roman de leur rupture ; cette Ogé encore en scène, lui couché sur le divan de la loge, attendant sa maîtresse en face d’une grande glace de toilette dans laquelle il voyait tout à coup Armand, le beau baryton, voisin de couloir de la chanteuse, entrer demi-vêtu, ruisselant de cold-cream, et courir au petit manchon de loutre pendu à la patère, pour y prendre la