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Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/202

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LE TRÉSOR D’ARLATAN

— Et jolie… et célèbre… ce qui ne l’a pas empêchée de passer deux jours avec moi dans le pâturage… »

L’amant de Madeleine Ogé eut envie de demander : « Chanteuse, peut-être ? » mais une honte le retint.

L’autre poursuivit d’un air détaché : « Du reste, son portrait est là, dans le trésor, une femme superbe, déshabillée jusqu’à la ceinture. Si vous voulez mettre une demi-pistole, je vous le montrerai un de ces jours, avec une foule d’autres ; mais pour l’instant je vous demande excuse, j’ai un baume vert que je prépare… car vous savez que je m’occupe de médecine illégale, comme dit le docteur Escambar, des Saintes-Maries-de-la-Mer… Allons, à bientôt, mon cér camarade. »

Et il referma la porte sur lui en souriant.

Dehors, c’était la fin du jour. Le mistral la saluait d’une allègre sérénade qui affolait tout le pâturage, faisait flotter queues et crinières, hennir les étalons et tinter leurs sonnailles dans cette plaine immense, sans obstacle, que son souffle puissant semblait aplanir en l’élargissant. À perte de vue, le Vacarès resplendissait. De grands hérons planaient, découpés sur le ciel vert en minces hiéroglyphes ; des flamants aux ventres blancs, aux ailes roses, alignés pour pêcher le long du rivage, disposaient leurs teintes diverses en une longue