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Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/213

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LE TRÉSOR d’ARLATAN

Il se dressa tout endolori, dégageant à chaque mouvement une odeur de levure et de paille chaude, prit au-dessus de sa tête, à même une planche mal équarrie, un couvercle de boîte en fer-blanc plein à ras d’un opiat verdâtre de sa fabrication, sur lequel il promena voluptueusement, à deux ou trois larges reprises, une langue de lion malade, boueuse et sanguinolente.

Debout à quelque distance du lit, Danjou s’excusait que le cœur ne lui en dît pas précisément.

« Je m’en doute, je m’en doute, marmonna Arlatan refourré sous ses couvertures… Ce n’est pas pour mes drogues que vous êtes ici, vous. »

Il restait sur le dos, immobile et muet, ses grands traits vieillis, convulsés par la souffrance, comme si chaque rafale enveloppant la maison lui passait aussi sur le corps, tordait et broyait ses muscles. On entendait craquer le chaume du toit, gémir la croix de bois traditionnelle qui gardait le faîte, et, tout autour dans le pâturage, tinter et galoper les sonnailles du troupeau qu’effaraient l’absence du maître et le vent brutal de la mer. La tourmente apaisée, le gardien rouvrit lentement les yeux.

« Vous venez pour le portrait de cette dame, hé ? dit-il à Danjou… La Parisienne déshabil-