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Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/241

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visite à Château-Frayé… J’ai trop souffert, je suis cassée… » Et baissant la voix à cause du jardinier qui ratissait tout près de nous : « Ma sœur savait bien ce qu’elle faisait en me donnant l’idée de ce voyage… Elle m’a retourné le couteau dans le cœur, la lame y est restée… » Enfin, crois-tu si c’est de l’injustice ! Cette malheureuse Marie Fédor, ce dévouement de toutes les heures, la soupçonner d’une machination pareille, d’une perfidie aussi compliquée… Du reste, tu vas la voir, Mme Restouble, tu te rendras compte que c’est une bonne et charmante femme, ressemblant aussi peu au monstre dont Louise nous parlait que la jolie maison que voici n’a l’apparence du bagne où la pauvre fille prétendait s’être enfermée par amour de toi. Nous y sommes, tu peux juger. »

Tout à l’entrée du village, le très ancien logis du notaire, avec ses murs blanchis à neuf, ses persiennes fraîches peintes, ses panonceaux étincelants, se dressait étroit et bas après une petite cour toute fleurie et rougeoyante d’une énorme corbeille de géraniums. Malgré le deuil de la maison et le drap noir qui encadrait la porte, l’étude, très achalandée, n’avait pas chômé ce jour-là, et par les persiennes seulement entrecloses on apercevait des profils sur des paperasses, on entendait une voix jeune