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Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/25

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ROSE ET NINETTE

pas bien ce symphoniste égaré dans la magistrature. Tout ce qui n’est pas Beethoven ou Wagner lui reste absolument indifférent. Fort obligeant, du reste, car l’affaire lui a donné du mal autant qu’à nous. Tantôt, le commissaire prévenu n’arrivait pas à temps, ou bien ma complice — il me fallait une complice — manquait le rendez-vous. Alors, tout était à recommencer ; et l’on ne peut rien imaginer de plus bouffon que ce ménage légitime se donnant rendez-vous à un bout de Paris pour combiner de nouveau le jour et l’heure où le précieux flagrant délit serait enfin et dûment constaté. Nous avions choisi l’avenue de l’Observatoire, tout en haut, où l’ombre des marronniers tombe plus fraîche et plus épaisse. Nul danger d’être rencontré si loin, et c’était indispensable : pensez à ce ridicule de gens en instance de divorce, marchant côte à côte, se concertant, combinant leur libération. Moi qui cherche des situations neuves, je crois qu’elle l’était, celle-là ! « Lundi, sans faute, hôtel d’Espagne, et que votre princesse ne manque pas, » jetait ma femme en me quittant avec une grande poignée de main. Et moi, non moins cordial et résolu : « Lundi, « ma chère, c’est promis ! » Ce fut en effet le lundi suivant, hôtel d’Espagne, que le commissaire me surprit au matin…

— Avec Amy Férat, du Vaudeville, dit