Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/254

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femme, cette petite étoile morte, de la maison à l’église et de l’église au cimetière. Subitement, comme si le cercueil s’était ouvert, elle lui apparut, étendue entre les planches étroites, avec le sourire radieux qui trouait sa joue d’une fossette, et la caresse de son regard gris bleu, gris de perle, aux grands cils abaissés, aux paupières meurtries et comme fardées par le plaisir ; mais ce ne fut qu’une vision emportée presque aussitôt par les pitreries de Desvarennes debout à côté de lui, et, de sa voix de blague et d’alcool, dénombrant le cortège à mesure qu’il défilait :

« La famille, messieurs ! Le notaire Redouble, Mme  Marie Fédor, son épouse, premier prix de tragédie, et leurs invités… Tous des anciens de Loulou, ces invités… les célèbres seulement… L’Institut, le Conservatoire… mais pas un comédien, même avec la Légion d’honneur… pas de cabotines non plus ; Mme  Restouble a le théâtre en horreur… Nous avons cependant le directeur des Fantaisies… et deux vaudevillistes fameux, Laniboire et Ripault-Babin, de l’Académie française… Tas de vieux poseurs !… Je les entendais en venant, dans le wagon, se vanter de la passion qui la brûlait pour chacun d’eux. Ah ! s’ils avaient su devant qui ils parlaient… Aimés de Loulou ! Non, mes bibis, vous pouvez faire mousser vos jabots, pas un de vous qui ait eu