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Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/292

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À LA SALPËTRIÈRE

et où la tient le mal, la façon dont elle tombe et comment c’est arrivé.

« À la mort de sa grand’mère, monsieur le docteur, dit le père.

— Est-ce qu’elle l’a vue morte ?

— Non, monsieur, elle ne l’a pas vue… »

La voix de Charcot s’adoucit pour l’enfant :

« Tu l’aimais donc bien, ta grand’mère ? » Elle fait signe « oui » d’un mouvement de sa petite toque, sans parler, le cou gonflé de sanglots. Le médecin allemand s’approche d’elle. Celui-là étudie les maladies du tympan spéciales aux hystériques, il a des lunettes d’or et, promenant un diapason sur le front de la fillette, ordonne avec autorité :

« Rébédez abrès moi… timange… »

Un silence. Le savant triomphe ; elle n’a pas entendu. Je croirais plutôt qu’elle n’a pas compris. Longue dissertation du docteur allemand ; l’Italien s’en mêle, le Russe dit un mot. Les deux victimes attendent sur leurs chaises, oubliées et gênées, quand l’interne, à qui j’ai fait part de mes doutes, dit tout bas à la petite Parisienne :

« Répétez après moi… dimanche. » Elle ouvre de grands yeux et répète sans effort : « Dimanche », pendant que la discussion continue sur les troubles auditifs de l’hystérie.

Tout à coup, le professeur Charcot se tournant vers le père :