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ROSE ET NINETTE

petites têtes les sérieux motifs de son refus, un refus de subvention supplémentaire.

Voyons, depuis sept mois que leur mère et lui s’étaient quittés, avait-il une fois manqué de donner deux mille francs au lieu des quinze cents alloués par le tribunal ? Et cela ne suffisait pas ; on osait lui demander davantage, alors qu’il ne possédait pour toute fortune que le revenu de son théâtre. Il ne se plaignait pas cette année ; son répertoire gardait la vogue, mais ce revenu pouvait diminuer avec les caprices du public. Puis il fallait penser à la dot de Rose.

« Et enfin, mes mignonnes, je trouve que, pour un dimanche où vous venez voir votre père, un de mes pauvres dimanches, vous vous êtes chargées d’une bien vilaine commission. Est-ce qu’on n’aurait pas pu m’envoyer Mademoiselle, ou mieux une lettre à laquelle j’aurais su répondre ? »

Il fallait cette attaque directe, leur mère jetée dans le débat, pour rompre le mutisme résigné des jeunes filles.

« Mais, père, dit Ninette sans lever les yeux de son livre, on ne nous a pas donné de commission. .. et ce petit surcroît que nous t’avions demandé était pour nous seules…

— Pour nos toilettes… » ajouta sans assurance Mlle  Rose du fond des grandes images de mode qui l’entouraient en paravent.