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ROSE ET NINETTE

cienne femme ; mais de ses filles, oh ! il l’était, à souffrir autrefois de leur intimité avec ce La Posterolle, des gâteries, des cadeaux dont il savait les conquérir, attirer à lui leurs gentillesses de petites perruches coquettes et gourmandes. Que serait-ce maintenant qu’il habiterait la même maison, avec l’autorité et les privautés d’un beau-père, et bientôt, par la suite des choses, par l’assiduité, la présence réelle et continuelle, plus leur père que lui-même. Cette idée l’enrageait, surtout de se dire qu’on lui emmènerait peut-être ses enfants loin de Paris.

« Ça, par exemple !… ça, par exemple !… »

Il bégayait de fureur, agitait ses longs bras, ses poings crispés, pleins de menaces brutales.

Mais les colères de Fagan, créole de l’Île-Bourbon, passaient en cyclone, courtes et violentes. Le temps de bousculer quelques chaises, de jeter deux ou trois portes sur de fausses sorties, il s’apaisa, s’allongea dans son grand fauteuil américain, et, comme toutes les quinzaines, demanda à Rose d’ouvrir le piano acheté exprès pour elle.

Rose, malheureusement, avait la migraine, oh ! si fort la migraine…

« Voyons, Rosette… presque rien… quelques mesures de Chopin ou de Mendelssohn…

— Je regrette beaucoup, père… impossible.