Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/158

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écrit sur toutes les glaces des restaurants de nuit et toujours souligné de quelque ordure, était une ancienne « dame des chars » à l’Hippodrome, célèbre dans le monde de la noce par son dévergondage cynique, ses coups de gueule et de cravache très recherchés des hommes de cercle, qu’elle menait comme ses chevaux.

Espagnole d’Oran, elle avait été plus belle que jolie et tirait encore aux lumières un certain effet de ses yeux noirs bistrés, de ses sourcils rejoints en barre ; mais ici, même dans ce faux jour, elle avait bien ses cinquante ans, marqués sur une face plate, dure, à la peau soulevée et jaune comme un limon de son pays. Intime de Fanny Legrand pendant des années, elle l’avait chaperonnée dans la galanterie, et rien que son nom épouvantait l’amoureux.

Fanny, qui comprit le tremblement de son bras, essaya de s’excuser. À qui s’adresser pour trouver un emploi ? On était bien embarrassé. D’ailleurs Rosa maintenant se tenait tranquille ; riche, très riche, vivant dans son hôtel avenue de Villiers ou à sa villa d’Enghien,