Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/195

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dans une torpeur vague, une griserie de bien-être et de plein air qui lui ôtait presque la force de s’habiller, de se coiffer, ou même d’ouvrir son piano.

Le soin de leur intérieur laissé tout entier à une ménagère du pays, quand, le soir venu, elle résumait sa journée pour la raconter à Jean, elle ne trouvait rien qu’une visite à Olympe, des potins par-dessus la clôture, et des cigarettes, des tas de cigarettes dont les débris salissaient le marbre devant la cheminée. Déjà six heures !… À peine le temps de passer une robe, de piquer une fleur à son corsage pour aller au-devant de lui par le chemin vert…

Mais avec les brouillards, les pluies d’automne, la nuit qui tombait de bonne heure, elle eut plus d’un prétexte pour ne pas sortir ; et souvent il la surprenait au retour dans une de ces gandouras de laine blanche à grands plis qu’elle mettait le matin, les cheveux relevés comme quand il était parti. Il la trouvait charmante ainsi, la nuque restée jeune, sa chair tentante et soignée qu’il sentait toute prête, sans entraves. Pourtant cet