Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/208

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Elle approchait pourtant, cette inévitable séparation ; et le splendide mois de juin, qui mettait la nature en fête, serait probablement le dernier qu’ils passeraient ensemble. Est-ce cela qui la rendait nerveuse, irritable, ou l’éducation de Josaph entreprise d’une ardeur subite, au grand ennui du petit Morvandiau qui restait des heures devant ses lettres, sans les voir ni les prononcer, le front fermé d’une barre comme les battants d’une cour de ferme ? De jour en jour, ce caractère de femme s’exaltait en violences et en pleurs dans des scènes sans cesse renouvelées, bien que Gaussin s’appliquât à l’indulgence ; mais elle était si injurieuse, il montait de sa colère une telle vase de rancune et de haine contre la jeunesse de son amant, son éducation, sa famille, l’écart que la vie allait agrandir entre leurs deux destinées, elle s’entendait si bien à le piquer aux points sensibles, qu’il finissait par s’emporter aussi et répondre.

Seulement sa colère à lui gardait une réserve, une pitié d’homme bien élevé, des coups qu’il ne portait pas, comme trop douloureux et faciles, tandis qu’elle se lâchait