Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

choses, qui rendaient les causeries intéressantes et variées.

Puis elle était musicienne, s’accompagnait au piano et chantait, d’une voix de contralto un peu fatiguée, inégale, mais exercée, quelque romance de Chopin ou de Schumann, des chansons de pays, des airs berrichons, bourguignons ou picards dont elle avait tout un répertoire.

Gaussin, fou de musique, cet art de paresse et de plein air où se plaisent ceux de son pays, s’exaltait par le son aux heures de travail, en berçait son repos délicieusement. Et de Fanny, cela surtout le ravissait. Il s’étonnait qu’elle ne fût pas dans un théâtre, et apprit ainsi qu’elle avait chanté au Lyrique.

— Mais pas longtemps… Je m’ennuyais trop…

En elle effectivement rien de l’étudié, du convenu de la femme de théâtre ; pas l’ombre de vanité ni de mensonge. Seulement un certain mystère sur sa vie au-dehors, mystère gardé même aux heures de passion, et que son amant n’essayait pas de pénétrer, ne se sentant ni jaloux ni curieux, la laissant arriver à l’heure dite sans même regarder la pendule,