Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/285

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La salle est chaude, la lampe éclaire bien, et le bruit de leurs pas dans la traverse a prévenu la servante, qui apporte la soupe sur la table.

« Enfin, vous voilà !… » dit Olympe déjà installée, la serviette remontée sous ses bras courts. Elle découvre la soupière et s’arrête tout à coup avec un cri :

— Mon Dieu, ma chère !…

Hâve, de dix ans plus vieille, les paupières gonflées et sanglantes, de la boue sur sa robe, jusque dans ses cheveux, le désordre effaré d’une pierreuse qui sort d’une chasse de police, c’est Fanny. Elle respire un moment, ses pauvres yeux brûlés clignotent à la lumière, et peu à peu la chaleur de la petite maison, cette table gaiement servie, provoquent le souvenir des bons jours, un nouveau rappel de larmes où se distinguent ces mots :

— Il me quitte… Il se marie.

Hettéma, sa femme, la paysanne qui les sert se regardent, regardent Gaussin. « Enfin, dînons toujours », dit le gros homme qu’on sent furieux ; et le bruit des cuillerées voraces