Aller au contenu

Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

trois, se tenant par le bras, le matelot au milieu, bien serrés. Ils ne parlent pas, ils s’étreignent.

Jean songe en les regardant au beau départ qu’il aurait eu… Son père, ses petites sœurs, et, s’appuyant sur lui d’une douce main frémissante, celle dont les beauprés au large entraînaient le vif esprit et l’âme aventureuse… Regrets stériles. Le crime est accompli, son destin sur les rails, il n’a qu’à partir et à oublier…

Qu’elles lui semblèrent lentes et cruelles les heures de la dernière nuit ! Il se tournait, se retournait dans son lit d’auberge, guettait le jour sur la vitre aux décroissements lents du noir au gris, puis au blanc d’aube que le phare piquait encore d’une étincelle rouge effacée au soleil levant.

Alors seulement il s’endormit, réveillé tout à coup par un éclaboussement de rayons dans sa chambre, les cris confondus des cages de l’oiselier avec les innombrables carillons du dimanche de Marseille, répandus par les quais élargis, toutes machines au repos, des oriflammes flottant aux mâts…