Aller au contenu

Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pipe aux dents, avec de petits souffles de béatitude, pendant que lui-même songeait toujours, se dévorait de rage impuissante.

« Ça te passera, m’ami… » lui disait doucement Fanny aux heures où l’on se dit tout ; et elle l’apaisait, tendre et charmante comme au premier jour, mais avec quelque chose d’abandonné, que Jean ne savait définir.

C’était l’allure plus libre et la façon de s’exprimer, une conscience de son pouvoir, des confidences bizarres et qu’il ne lui demandait pas sur sa vie passée, ses débauches anciennes, ses folies de curiosité. Elle ne se privait plus de fumer maintenant, roulant entre ses doigts, posant sur tous les meubles l’éternelle cigarette qui aveulit la journée des filles, et dans leurs discussions elle émettait sur la vie, l’infamie des hommes, la coquinerie des femmes, les théories les plus cyniques. Jusqu’à ses yeux, dont l’expression changeait, alourdis d’une buée d’eau dormante, où passait l’éclair d’un rire libertin.

Et l’intimité de leur tendresse se transformait aussi. D’abord réservée avec la jeunesse de son amant dont elle respectait l’illusion