Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/106

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nos maisonnettes blanches ; et maintenant, tout le long de la Seine, d’une rive à l’autre, nos palais d’été grands ouverts, sans toits, sans fenêtres, se montrent leurs murailles nues et leurs terrasses découronnées.

C’est surtout du côté de Montgeron, de Draveil, de Villeneuve-Saint-Georges, que la dévastation a été effroyable. S. A. R. le prince de Saxe travaillait par là-bas avec sa bande, et il paraît que l’Altesse a bien fait les choses. Dans l’armée allemande on ne l’appelle plus que « le voleur ». En somme, le prince de Saxe me fait l’effet d’être un podestat sans illusions, un esprit pratique qui s’est très bien rendu compte qu’un jour ou l’autre l’ogre de Berlin ne ferait qu’une bouchée de tous les Petit-Poucet de l’Allemagne du Sud, et il a pris ses précautions en conséquence. À présent, quoi qu’il arrive, monseigneur est à l’abri du besoin. Le jour où on le cassera aux gages, il pourra, à son choix, ouvrir une librairie française à la foire de Leipzig, se faire horloger à Nuremberg, facteur de pianos à Munich, ou brocanteur à Francfort-sur-le-Mein. Nos