Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/116

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et séchant à mes pauvres persiennes grises.

Je m’étais pourtant bien juré de ne venir ici que longtemps après qu’ils seraient partis ; mais il fallait fuir l’horrible conscription Cluseret et je n’avais pas d’autre refuge… Et c’est ainsi, qu’à moi, comme à bien d’autres Parisiens, aucune des misères de ce triste temps n’aura été épargnée : angoisses du siège, guerre civile, émigration, et, pour nous achever, l’occupation étrangère. On a beau être philosophe, se mettre au-dessus, en dehors des choses, c’est une impression singulière, — après six heures de marche sur ces belles routes de France, toutes blanches de la poussière des bataillons prussiens, — d’arriver à sa porte et d’y trouver, sous les grappes pendantes des ébéniers et des acacias, un écriteau allemand en lettres gothiques :

5e compagnie

Boehm,
sergent-major

et trois hommes.

Ce M. Boehm est un grand garçon silen-