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Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/127

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tout ce reportage commandé par la nouveauté d’un sujet tellement loin de moi, de mon milieu, hors de mes habitudes d’existence et d’esprit. Jeune homme, j’avais souvent frôlé la perruque d’un noir macabre du duc de Brunswick traînant les étroits corridors des restaurants de nuit dans l’haleine chaude du gaz, des patchoulis et des épices ; chez Bignon, sur le divan du fond m’était un soir apparu Citron-le-Taciturne mangeant une tranche de foie gras en face d’une fille de carrefour, et encore, à la sortie d’un dimanche du Conservatoire, la haute et fière stature du roi de Hanovre aveugle et tâtonnant entre les colonnes du péristyle, au bras de la touchante princesse Frédérique, qui l’avertissait quand il fallait saluer. Rien que de très vague en somme, aucune notion précise sur l’intime de ces princes réfugiés, sur la façon dont ils menaient leur disgrâce, dont l’exil, l’air de Paris les avait impressionnés, ce qu’il restait de dorure à leurs manteaux de cour et de cérémonial en leurs logis de rencontre.

Pour savoir cela il me fallut beaucoup de