Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/186

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on les évoque, elles ne viennent plus. Finis aussi ces jolis jeux d’esprit et de langage, ces causeries un peu maniérées, un peu alambiquées, mais si françaises, comme Musset en a tant écrit, badinages charmants qui appuient sur le rebord d’une table à ouvrage leur coude chargé de dentelles traînantes et tous les caprices souriants de l’oisiveté amoureuse. Tout cela est mort maintenant ; on ne sait plus causer, marivauder au théâtre. C’est une tradition perdue, depuis qu’Arnould-Plessy n’est plus là. Et puis, à côté de l’artiste d’étude et de méthode, de la fidèle interprète des traditions de l’art français, il y avait dans cette excellente comédienne un talent original et chercheur, soit qu’elle se prît aux grandes créations tragiques comme dans cette Agrippine qu’elle jouait d’une façon si accentuée, bien plus selon Suétone que selon Racine, soit qu’elle créât en pleine vie moderne, en plein art réaliste, la Nany du drame de Meilhac, paysanne ignorante et mère passionnée. Je me souviens surtout d’une scène où, pour exprimer les mille sentiments confus qui se