Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/255

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peuple se presse derrière les tribunes, autour des grandes baraques où l’on vend du vin et du cidre, où l’on frit des gaufres et des saucisses en plein soleil. Enfin, la fanfare guérandaise qui arrive, entourée de nouvelles bandes bruyantes et chantantes, interrompt pour un moment les buveries. Chacun court se placer pour le spectacle ; et dans ce débordement de gens qui s’éparpillent autour du champ de courses, sur le bord des fossés et des sillons moissonnés, la longue blouse blanche des paludiers, qui les grandit, les fait ressembler de loin à des dominicains ou à des prémontrés. D’ailleurs tout ce côté de la Bretagne vous donne un peu l’impression d’un grand couvent. Le travail lui-même y est silencieux. Pour arriver à Guérande, nous avons traversé des villages muets malgré la grande activité de la moisson, et partout sur notre passage, les batteuses, les fléaux s’agitaient en mesure, sans la moindre excitation de chants ou de paroles. Aujourd’hui, cependant, les gaufres, le cidre et les saucisses ont délié la langue des gars, et tout le long