Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/259

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cingle péniblement vers le Croizic. Le spectacle reçoit de ce voisinage une grandeur extraordinaire ; et les chevaux, les voitures roulant au retour sur la route, les groupes disséminés à travers la plaine, tout se détache sur un fond verdâtre et mouvant, un horizon plein de vie et d’immensité.

Quand nous rentrons à Guérande, le jour commence à baisser. On prépare des illuminations, des lanternes de couleur dans les grands arbres des promenades, un feu d’artifice sur la place de l’Église, une estrade au bas des remparts pour les joueurs de biniou. Mais voilà qu’une méchante petite pluie, aiguë et fine comme du grésil, vient déranger la fête. Tout le monde se réfugie dans les hôtelleries, devant lesquelles, les charrettes, les voitures dételées et ruisselantes, stationnent les brancards en l’air. Pendant une heure, la ville est silencieuse ; puis les bandes de tantôt traversent les rues noires en chantant. Les grandes coiffes et les petits châles verts se hasardent dehors deux par