Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/264

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l’existence des gardiens enfermés, pendant des semaines, dans cette tourelle de tôle sonore et creuse où la mer et le vent répercutent leur voix avec une férocité si grande, que les hommes en sont réduits à se crier dans l’oreille pour se faire entendre l’un de l’autre.

Une fois le phare doublé, l’île de Houat commence à nous apparaître peu à peu, à élever au-dessus des houles de la mer sa terre rocheuse où le soleil jette un mirage de végétation, des teintes de moissons mûres, des veloutés de prés en herbe.

À mesure que nous approchons, l’aspect change, le terrain véritable apparaît, désolé, brûlé de soleil et de mer, hérissé de hauteurs farouches ; à droite, un fort démantelé, abandonné ; à gauche, un moulin gris qui nous donne la vitesse des brises de terre, et quelques toits très bas groupés autour de leur clocher ; tout cela morne, espacé, silencieux. On croirait l’endroit inhabité, si des troupeaux épars sur les pentes, dans les vallons rugueux de l’île, ne se montraient de loin, errants, couchés