Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/62

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toute mesure, parce qu’il manque aux visions de cet imaginaire la prolixité de parole ou d’écriture qui est notre soupape de sûreté. Ce type de Bompard se trouve fréquemment chez nous, mais je n’ai bien étudié que le mien, aimable et doux compagnon que je croise quelquefois sur le boulevard et à qui la publication de Numa n’a pas causé la moindre humeur, car avec le tas de romans en fermentation dans sa cervelle, il n’a pas le temps de lire ceux des autres.

Du tambourinaire Valmajour, quelques traits sont réels, par exemple le petit récit Ce m’est vénu, dé nuit…, cueilli mot par mot sur sa lèvre ingénue. J’ai dit ailleurs la burlesque et lamentable épopée de ce Draguignanais que mon cher et grand Mistral m’expédiait un jour en ces termes : « Je t’adresse Buisson, tambourinaire ; pilote-le », et l’innombrable série de fours que nous fîmes Buisson et moi, à la suite de son galoubet, dans les salons, théâtres et concerts parisiens. Mais la vraie vérité que je n’avais pu dire de son vivant, de peur de lui nuire, aujourd’hui que la mort a crevé son