Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/93

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d’honneu’Bonjou’ ma’ame », tout le crottin du Tattershall à ses bottes, et juste assez de littérature pour signer son nom sur les glaces du café Anglais, ce qui ne l’empêchait pas de se donner pour très fort en théologie et de promener d’un cabaret à l’autre cet air dédaigneux, fatigué, revenu de tout, qui était le suprême chic d’alors.

Pendant le siège, mon gaillard s’était fait attacher à je ne sais plus quel état-major, — histoire de mettre à l’abri ses chevaux de selle, — et l’on apercevait de temps en temps sa silhouette dégingandée paradant aux abords de la place Vendôme avec tous les beaux messieurs de plastron doré : depuis, je l’avais perdu de vue. De le retrouver là tout à coup au milieu de l’émeute, toujours le même dans ce Paris bouleversé, cela me fit l’effet à la fois lugubre et comique d’un vieux shapka du premier Empire, faisant en plein boulevard moderne son pèlerinage du 5 mai. On n’en avait donc pas fini avec cette race de petits-crevés ! Il en restait donc encore !… En vérité, je crois que si l’on m’eût donné à choisir,