Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/232

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franqueyrol.

Voilà bien les mères ; tout de suite quelque grand malheur !… On dirait que leurs enfants sont des boîtes à catastrophes. Eh bien ! quoi ? Henri a peut-être quelque ennui en ce moment.

madame jourdeuil.

Mais quel ennui, en définitive ? Ses affaires vont très bien. Il vient de déménager, de s’installer richement. Il paraît que c’est magnifique chez lui. Je dis il paraît, parce que je n’y suis pas allée. Encore une des choses qui m’inquiètent… Concevez-vous cela ?… Depuis qu’il a déménagé, il ne nous a pas dit une seule fois d’aller chez lui. Et quand on lui parle, il faut voir comme ça le gêne. Tenez ! voulez-vous que je vous dise ce que je crois ? (Baissant la voix) Je crois qu’il a connu quelque mauvaise femme…

franqueyrol, stupéfaction comique.

Bah !… après tout, il vaut encore mieux qu’il fasse de mauvaises connaissances que s’il faisait de mauvais tableaux…

madame jourdeuil.

Hé ! je me moque bien de ses tableaux… je ne suis pas une artiste, moi, je suis une mère, et je veux avant tout que mon enfant ne se tourmente pas… Est-ce que ses tableaux me le rendront, si cette femme me le tue ?

franqueyrol.

Comment ! vous en êtes encore là ? Vous croyez aux femmes qui tuent les hommes !…