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Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/390

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l’innocent, venant s’appuyer sur son épaule.

Ne lis pas ça, ça fait pleurer.

frédéri.

Comment le sais-tu, que ça fait pleurer ?

l’innocent, parlant lentement, avec effort.

Je te vois bien, la nuit, dans notre chambre, quand tu mets ta main devant la lampe.

frédéri.

Oh ! oh ! le berger a raison de dire que tu t’éveilles. Il faut prendre garde à ces petits yeux, maintenant.

l’innocent.

Laisse ces vilaines histoires, va. Moi, j’en sais de bien plus belles. Veux-tu que je t’en raconte une ?

frédéri.

Voyons…

l’innocent, s’asseyant à ses pieds.

U y avait une fois… Il y avait une fois… C’est drôle, le commencement des histoires, je ne me le rappelle jamais. (Il prend sa petite tête à deux mains.)

frédéri, lisant ses lettres.

« Je me suis donnée à toi tout entière. » Oh ! Dieu !

l’innocent.

Et alors… (Douloureusement.) Ça me fatigue de tant chercher… Et alors elle s’est battue toute la nuit avec le loup, et puis, au matin, le loup l’a mangée… (Il pose sa tête sur les roseaux et s’endort. — Berceuse à l’orchestre.)