Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/112

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à défaut de mieux le nom de la Muse à la postérité, sur les ailes des publications clandestines. Qu’avait donc fait Mme Waldor à l’enfant terrible ? Je me la rappelle bien, tout en velours, avec des cheveux noirs, des cheveux de corbeau centenaire qui s’obstine à ne pas blanchir, déroulée sur son divan, défaillante et alanguie, avec des attitudes de cœur brisé. Mais l’œil s’allumait, la bouche devenait vipère aussitôt que l’on parlait d’Elle. Elle ! c’est-à-dire l’autre, l’ennemie, la bonne vieille Mme Ancelot. C’était entre les deux une guerre à mort. Mme Waldor avait exprès choisi le même jour, et sur les onze heures, quand on voulait s’esquiver pour sauter en face, de froids regards vous clouaient à la porte. Il fallait rester, jouer de la langue, blasonner le père Ancelot, s’exercer à de petites anecdotes scandaleuses. En face, on se rattrapait en racontant sur l’influence politique de Mme Waldor mille légendes mystérieuses.

Que de temps perdu, que d’heures gaspillées à ces petits riens venimeux ou niais, dans cette atmosphère de petits vers moisis