Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/125

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Amédée Pommier était pauvre et digne. Il vivait enfermé, gagnant sa vie à faire pour la librairie Hachette des traductions qu’il ne signait pas. Un détail curieux : c’est en collaboration avec Amédée Pommier que Balzac, toujours tourmenté de l’idée d’écrire une grande comédie classique, avait entrepris Orgon, cinq actes en vers, faisant suite à Tartufe.

Dans ce salon vert de l’Arsenal, je connus encore M. Henri de Bornier. Il disait souvent de petites pièces de vers fort spirituelles, une entre autres, dont le souvenir me reste et qui, à chaque couplet, se terminait par ce refrain : — « Eh ! eh ! je ne suis pas si bête ! » Pas si bête, en effet, M. de Bornier ! puisqu’il a fait la Fille de Roland, un grand succès au Théâtre-Français, et qui mènera son auteur à l’Académie. — Il y avait grand branle-bas à certains soirs, on apportait des paravents, on alignait chaises et fauteuils, et on combinait des charades. J’ai figuré là dans des charades, je l’avoue ! et je me vois encore sur un marché turc, en Circassienne, revêtu de longs voiles blancs.