Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la fois naїve et obstinée, et, perdu à moitié sous d’épaisses moustaches, un accent parfumé d’ail, invraisemblablement méridional. L’homme me dit : « Ze suis Buisson ! » et me tend une lettre sur l’enveloppe de laquelle je reconnais tout de suite la belle petite écriture régulière et calme du poète Frédéric Mistral. Sa lettre était courte.

« Je t’envoie l’ami Buisson, il est tambourinaire et vient se montrer à Paris, pilote-le. »

Piloter un tambourinaire ! Ces méridionaux ne doutent de rien. La lettre lue, je me retournai vers Buisson.

— Ainsi, vous êtes tambourinaire ?

— Oui, monsieur Daudet, le plus fort de tous, vous allez voir !

Et il alla chercher ses instruments que, par discrétion, il avait laissés avant d’entrer, sur le palier, derrière la porte ; une petite boîte carrée et plate, avec un grand cylindre voilé de serge verte, en tout pareil pour les dimensions et la forme aux monumentaux tourniquets que les marchands de plaisir trimbalent à travers les rues. La petite boite plate contenait le galoubet, la