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Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/175

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rustique au sol battu, gondolé, que grattent les poules venues pour ramasser les miettes du déjeuner de la ferme, aux murs crépis soutenant des crédences en noyer, la panière et le pétrin ciselés naïvement.

Une vieille famille provençale habitait là, il y a vingt ans, non moins originale et charmante que son logis. La mère, bourgeoise de campagne, très âgée mais droite encore sous ses bonnets de veuve qu’elle n’avait jamais quittés, menant seule ce domaine considérable d’oliviers, de blés, de vignes, de mûriers ; près d’elle, ses quatre fils, quatre vieux garçons qu’on désignait par les professions qu’ils avaient exercées ou exerçaient encore, le Maire, le Consul, le Notaire, l’Avocat. Leur père mort, leur sœur mariée, ils s’étaient serrés tous quatre autour de la vieille femme, lui faisant le sacrifice de leurs ambitions et de leurs goûts, unis dans l’exclusif amour de celle qu’ils appelaient leur « chère maman » avec une intonation respectueuse et attendrie.

Braves gens, maison bénie !… Que de fois, l’hiver, je suis venu là me reprendre à la