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Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/183

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cocher Dominique, et un petit bossu surnommé lou Roudéirou (le Rôdeur), une sorte de farfadet, d’espion de village, regards aigus perçant la nuit et les murailles, âme coléreuse, dévorée de haines religieuses et politiques.

Il fallait l’entendre raconter et imiter le vieux Jean Coste, un rouge de 93, mort depuis peu et jusqu’au bout fidèle à ses croyances. Le voyage de Jean Coste, vingt lieues à pied pour aller voir guillotiner le curé et les deux secondaires (vicaires) de son village. « C’est que, mes enfants, quand je les vis passer leurs têtes à la lunette — et ça ne leur allait pas de passer leurs têtes à la lunette — eh ! nom d’un Dieu, tout de même, j’eus du plaisir… taben aguéré dé plesi… » Jean Coste, tout grelottant, chauffant sa vieille carcasse à quelque mur embrasé de lumière et disant aux garçons autour de lui : « Jeunes gens, avez-vous lu Volney ?… Jouven auès legi Voulney ? Celui-là prouve mathématiquement qu’il n’y a pas d’autre Dieu que le soleil !… Gès dé Diou, doum dé Liou ! rèn que lou souleù ! » Et ses jugements