Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/185

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« Voici le roi Maure — avec ses yeux tout trévirés ; — l’enfant Jésus pleure, — le roi n’ose plus entrer… » un air naïf et vif de galoubet que je notais avec toutes les images, expressions, traditions locales ramassées dans la cendre de ce vieux foyer.

Souvent aussi ma fantaisie rayonnait en petits voyages autour du moulin. C’était une partie de chasse ou de pêche en Camargue, vers l’étang de Vaccarès, parmi les bœufs et les chevaux sauvages librement lâchés dans ce coin de pampas. Un autre jour, j’allais rejoindre mes amis les poètes provençaux, les Félibres. À cette époque, le Félibrige n’était pas encore érigé en institution académique. Nous étions aux premiers jours de l’Église, aux heures ferventes et naïves, sans schismes ni rivalités. À cinq ou six bons compagnons, rires d’enfants, dans des barbes d’apôtres, on avait rendez-vous tantôt à Maillane, dans