Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/194

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hauteur quelque marabout, peint à la chaux, éblouissant, pareil à un gros dé coiffé d’une moitié d’orange ; et çà et là, dans l’étendue blanche de soleil, de mouvantes taches sombres qui sont des troupeaux, et que l’on prendrait, n’était le bleu profond et immaculé du ciel, pour les ombres portées de grands nuages en marche. Nous avions chassé toute la matinée ; puis, la chaleur de l’après-midi se trouvant trop forte, mon ami le bachaga Boualem avait fait dresser la tente. Un des pans relevés portait sur des piquets et formait marquise ; tout l’horizon entrait par là. Devant, les chevaux entravés baissaient la tête, immobiles ; les grands lévriers dormaient couchés en rond ; à plat ventre dans le sable, au milieu de ses petits pots, notre cafetier préparait le moka sur un maigre feu de ramilles sèches dont la fumée mince montait droit ; et nous roulions de grosses cigarettes sans rien nous dire, Boualem-Ben-Cherifa, ses amis Si-Sliman, Sid’Omar, l’aga des Ataf et moi, étendus sur des divans, dans l’ombre de la tente blanche que le soleil extérieur faisait blonde, découpant