Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que par leurs côtés sincères ; je le regrettais surtout pour ma pièce, — ma première pièce ! — dont la réception au théâtre de l’Odéon m’avait été annoncée le jour même de mon départ.


Certes, le paysage que je contemplais était beau, et son cadre d’une singulière poésie ; mais j’aurais échangé volontiers l’Algérie et l’Atlas, Boualem et ses amis, le bleu du ciel, le blanc des marabouts et le rose des lauriers-roses, contre la grise colonnade de l’Odéon, et le petit couloir de l’entrée des artistes, et le cabinet de Constant, le concierge homme de goût, tout tapissé d’autographes de comédiens et de portraits de comédiennes en costumes. Eh, quoi ! j’étais là subitement en Algérie, à mener l’existence d’un grand seigneur des temps héroїques, quand j’aurais pu passer triomphant, avec l’allure hypocritement modeste de l’auteur nouveau qu’on va jouer, dans ces corridors rébarbatifs qui m’avaient vu tremblant et timide ! Je