Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/220

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corridors, et là, préposé au matériel, il distribuait gravement, selon les demandes, le papier, les plumes, les crayons, les grattoirs, les coupe-papiers, les presse-papiers, les carrés de gomme, les fioles de sandaraque, les encres bleues, les encres rouges, les sables dorés, les calendriers à images, que sais-je encore, les mille fournitures inutiles dont aiment à s’entourer les plumitifs désœuvrés des grandes administrations, et qui sont comme les fleurs de la bureaucratie. Rossignol, naturellement, avait, lui aussi, des ambitions littéraires. Mettre son nom sur quelque chose d’imprimé était son rêve, et nous nous amusions, Pierre Véron, Rochefort et moi, à lui brocher des bouts d’articles, à lui improviser des quatrains, qu’il portait bien vite, tout glorieux, au Tintamarre. Singuliers effets de l’irresponsabilité : Rochefort, empêtré dans l’imitation et la convention quand il écrivait pour lui-même, devenait original et personnel dès qu’il écrivait sous la signature de Rossignol. Il était libre alors, il ne sentait pas l’œil irrité de l’Institut suivant sur le papier les