Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/230

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la justice), tant que vécut le duc, Rochefort ne fut que relativement traqué. Mais, Morny disparu, les persécutions commencèrent. Aiguillonné, Rochefort redoubla d’insolence et d’audace. Les amendes tombèrent dru comme grêle, la prison succéda aux amendes. Bientôt la censure s’en mêla. La censure, avec son palais de dégustateur à principes, trouva que tout ce qu’écrivait Rochefort avait un arrière-goût politique. Le Figaro fut menacé dans son existence, et Rochefort dut quitter le journal. Là-dessus, il fonde la Lanterne, démasque ses sabords et hisse hardiment le pavillon de corsaire. Ce fut encore Villemessant, Villemessant le conservateur, le Villemessant des gourdins réunis, qui nolisa ce brûlot. La censure et Villemessant rendirent en cette circonstance un singulier service à la conservation et à l’empire. On sait l’histoire de la Lanterne, son succès foudroyant, le petit papier couleur de feu dans toutes les mains, les trottoirs, les fiacres, les wagons tout brillants d’étincelles rouges, le gouvernement affolé, l’esclandre, le procès, la suppression et — résultat