Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/254

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ou cent bons garçons, en fumant des pipes, en vidant des chopes. On les appelait bohêmes, et ils ne s’en fâchaient point. Le Figaro, celui d’alors, non politique et paraissant une fois par semaine seulement, était le plus souvent leur tribune.

Il fallait voir la brasserie, — nous disions la Brasserie tout court, comme les Romains disaient la Ville en parlant de Rome, — il fallait voir la brasserie, le soir, sur les onze heures, dans le brouhaha de toutes les voix, dans la fumée de toutes les pipes !

Murger y trônait, à la table du milieu ; Murger, l’Homère de ce monde découvert par lui, et que sa fantaisie a quelque peu coloré en rose. Décoré, désormais célèbre, publiant ses romans à la Revue des deux mondes, il n’en revenait pas moins à la brasserie, pour s’y retremper, disait-il, et aussi pour recevoir les hommages des braves