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Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/273

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c’était que cette affolée, cette ambitieuse de titres, de noblesse, qui consentait à faire de son enfant un ouvrier mécanicien. Ne lui racontait-elle pas à un moment qu’il était fils du marquis de P***, un nom bien connu sous l’empire ? Et cette idée d’être fils de noble amusait le pauvre garçon, assaisonnait d’un grain de vanité sa détresse et le triste ordinaire de la crèmerie. Plus tard, oubliant le premier aveu, elle lui donnait pour père un officier supérieur d’artillerie, sans qu’il fût possible de savoir quand elle avait menti, ou si elle parlait sincèrement, au hasard de son vaniteux caprice et d’une mémoire très encombrée. Dans mon livre, ce détail caractéristique a choqué certains lecteurs ; tiré de la vie même, il semblait une exagération du psychologue qui, certes, ne l’aurait pas inventé.

Eh bien ! même cela, Raoul le pardonnait à sa mère ; et je n’ai jamais eu d’autre confidence de ses rancœurs qu’un sourire désolé qui demandait pardon pour la folle. « Que voulez-vous ? elle est comme ça. » Il faut dire aussi que le peuple ignore bien des dé-