Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/288

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grande chambre aux lits rustiques, dont un en armoire dans la muraille crépie à la chaux, la cheminée garnie d’éponges, d’hippocampes comme chez les Roudic, deux petites croisées fermées de cette barre transversale des pays de côte, l’une sur la jetée et l’infini de la mer, l’autre découvrant des vergers, un coin d’église et de cimetière aux croix noires, serrées et bousculées, comme si le roulis des vagues voisines et le vent du large secouaient jusqu’aux tombes de la population marine. Au-dessous de nous était la salle, un peu bruyante le dimanche soir, où l’on chantait de vieux airs de pays dont l’écho se retrouve dans mon livre. Quelquefois, quand le beau brigadier Mangin était là, — mon Dieu, oui, le brigadier Mangin, je n’ai pas même changé son nom ni son grade, — notre aubergiste permettait d’écarter les bancs et de faire une ronde « au son des bouches ». Là venaient, avec leurs femmes, des pêcheurs, des matelots qui étaient nos amis, nous menaient dans leurs chaloupes déjeuner à l’île Dumet, ou bien au large, sur quelque roche. Ils