Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/329

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Rien de sain, de montant comme de travailler dans l’atmosphère même de son sujet, le milieu où l’on sent se mouvoir ses personnages. La rentrée, la sortie des ateliers, les cloches des fabriques, passaient sur mes pages à heures fixes. Pas le moindre effort pour trouver la couleur, l’atmosphère ambiante ; j’en étais envahi. Tout le quartier m’aidait, m’enlevait, travaillait pour moi. Aux deux bouts de l’immense pièce, ma table longue, le petit bureau de ma femme, et courant, passant la copie de l’un à l’autre, mon fils aîné, carabin maintenant, alors un bambin aux épaisses boucles blondes tombant sur son petit tablier noir pour l’encre de ses premiers bâtons. Un des meilleurs souvenirs de ma vie d’écrivain.

Parfois pourtant j’avais besoin d’un détail plus lointain, d’une note prise à un endroit spécial ; alors toute la famille se mettait en route pour aller chercher l’impression. Le dîner de Risler et de Sigismond après la ruine, je l’ai fait avec ma femme et mon enfant au Palais-Royal, à l’heure de la musique, quand les chaises de paille en cercle,